Les tondues de Mer
"Je certifie que les vingt-deux femmes qui figurent sur la liste du comité local de libération ont eu une conduite honteuse pendant l'occupation allemande. Les unes s'affichaient dans la rue avec les militaires des détachements séjournant dans la localité, les autres les recevaient chez elles, ou les rejoignaient même dans leurs cantonnements. Ces femmes ayant certainement eu des relations sexuelles avec les Allemands, j'estime qu'une punition s'impose et qu'elles méritent pour le moins, d'être frappées d'indignité nationale."
 
Déclaration du Maire de Mer sur 15 procès-verbaux de la Gendarmerie de Mer (février-mars 1945)
ADLC - 1375 W 127
  
Inséparables des journées libératrices, avec la liesse de la liberté retrouvée, les fiers défilés FFI et l'accueil chaleureux des soldats américains, les scènes de tontes offrent à l'Histoire un étrange paradoxe. Pratiquées sinon partout du moins dans un grand nombre de villes ou villages, elles ne tardent pas, parfois à peine achevées, à être rejetées, dénoncées comme "barbares". Le temps passant, les mémoires ou les oublient ou les écartent des récits, sans autre analyse, en estimant peut-être qu'elles ternissent les moments où la Nation retrouvée peut laver dans la joie et l'unité les humiliations de l'occupation. Les très rares évocations contemporaines de scènes de tontes parlent de foules et avalisent une sorte de communion entre spectateurs et tondeurs (ce sont des hommes qui opèrent) : ce n'aurait donc pas été une action minoritaire, menée contre ou même hors l'opinion générale. D'ailleurs, 6 mois plus tard, en février-mars 1945, il se trouve encore à Mer deux témoins -deux femmes- pour les justifier sur procès-verbal : "une punition bien méritée" déclare Mme M . 68 ans, tandis que Mme N. (51 ans) affirme, à propos de la même, qu'elle "a bien gagné d'avoir eu les cheveux coupés" (Brigade de gendarmerie de Mer - PV n° 129 du 23 février 1945). D'où le paradoxe : comment une action apparemment si répandue et si populaire s'est-elle trouvée à ce point marginalisée dans les mémoires et dans les récits ?
Blois, août 44 (ADLC - 10 Fi 71)
Caricature parue dans Le Patriote (hebdomadaire du Front National du Loir-et-Cher)
n° 19 du 6 janvier 1945 (page 1)
(ADLC - Per 173)
 
- Comment, vous avez fait tondre votre chienne à l'entrée de l'hiver ?
- Oui madame, c'est par représailles, elle a "collaboré" avec un berger allemand...
Cette feuille non datée et non signée figure dans ADLC-1375 W 29 à la suite (mais sans lien physique) d'une lettre manuscrite adressée le 21 août 1944 par Lucien JARDEL (dirigeant du Front National et Vice-président du Comité Départemental de Libération) au Préfet pour demander l'autorisation de faire paraître son hebdomadaire, Le Patriote.
 
(la surbrillance est de mon fait - BL)